Souvenirs de Seb (poète) et Gaël (dessin)

H.S., poète de rue, a parcouru tout le festival, avec sa machine à écrire et sa carriole, à la rencontre des festivalier·e·s. Il nous laisse ce texte en guise de conclusion de cette fabuleuse édition. Dessins : Gaël Audoye.

 

C’est quoi ?
C’est quoi qui vous occupe ici ?
Vous mangez ? Ah, vous avez raison, c’est important. Vous portez des chaises, des tables aussi...
Intéressant. Vous dites que vous aimez cette lumière qui vous attrape quand vous marchez autour de la chèvrerie ; quand vous allez d’un chapiteau à l’autre. Vous dites que vous aimez aussi, surtout, peut-être plus secrètement, l’ombre aux méduses enfeuillagées qui mène à la Commanderie - et à son ventre.
Vous dites beaucoup de choses, je vous écoute, je vous écoute. Ah, vous devez nettoyer votre assiette, on vous attend à la cour d’école, je comprends, il paraît qu’il y a du monde.
Vous partez. Je vous vois dévaler la pente, croiser des arbres secs, des tonneaux de vin (vides), d’autres méduses et rapetisser devant l’image de l’église.
J’ai regardé ailleurs pour d’autres images, d’autre corps – en file, en mouvement, en solo, en cercles couchés, assis dans l’herbe rase ou sur le muret comme le concert ne devrait pas tarder, maintenant.
Et je vous revois, je vous retrouve en train de danser puis d’aller chercher des bières, non, du vin nature, ah non, une gingembrette, bon, finalement des bières et vous revenez danser. Vous me racontez que vous avez pris la navette, qu’elle a simulé des embardées au milieu des spectateurs encore absorbés, tout moussus, encore dans ce qu’il viennent de voir.
Vous me dites que vous exagérez, que vous mentez ; vous souriez. Vous ajoutez que le théâtre, c’est du mensonge, du mensonge en quinconce, par paquets de douze, de merveilleux mensonges. Puis je vous vois lever les bras, remuer les mains et esquissez un pas de danse. Vous murmurez des choses entendues la veille au soir, à l’aube même, m’a-t-on dit ; il vous reste quelques paillettes (vestiges lumineux, souvenir de vertiges) que vous avez laissé, l’air de rien, passer entre les gouttes. Et vous me regardez avec une grimace – parce que le soleil écrase votre visage – et vous avez l’air soudain ému, vous me cachez vos yeux, vous dites que c’est la fatigue. Vous respirez, vous avalez tout l’air disponible. Et vous avez maintenant ce léger sourire de Joconde qui revient de la rivière. Vous me dites cette phrase : on a jamais vraiment envie de partir de Vaour... pourtant, on en a toujours un peu besoin.
Vous me dites que ce n’est pas de vous*.
Et je comprends.
Je comprends ce qu’il faut aussi entendre là.
Je comprends que vous aurez déjà bientôt le besoin de revenir.

H.S.


* Ninon, bénévole, le 13/08/24

 

Dessin : Gaël Audoye